L’ALLUMEUR DE RÉVERBÈRE

Qui se souvient encore des allumeurs de réverbères ? Ils sont aussi appelés « falotiers ».
Un petit tour au « pays de Wikipédia » m’a vraiment instruite sur l’allumage, d’abord des lanternes, puis des réverbères dans la ville de Paris.
Au XIVème siècle, les rues de Paris servaient de repaires à brigands (on n’a rien inventé à notre siècle !) et n’étaient éclairées que par quelques chandelles mises aux fenêtres du premier étage des maisons bourgeoises.
Ce n’est qu’au XVIIème siècle qu’on a disposé des lanternes et, un siècle plus tard, des réverbères pour éclairer les rues et ainsi sécuriser quelque peu la ville.
Qui dit réverbère, dit allumeur de réverbères ! Il devait être à son poste dès 6 heures précises du matin pour éteindre les réverbères, mais pas que ! Il s’agissait de nettoyer les réverbères, les plaques, les porte-mèches, entretenir la mèche, pourvoir la réserve en huile.
Tout ce travail devait être fait en 40 minutes pour la zone dévolue à chaque responsable.
Et le soir, par tous les temps, pluie et vents qui éteignaient les mèches, froid qui engourdissait les doigts, il fallait refaire la tournée pour éclairer et rassurer les passants et habitants de la ville.
Le Petit Prince de Saint Exupéry ne s’y est pas trompé, en appréciant l’allumeur de réverbères, sur sa minuscule planète qui tourne de plus en plus vite, personnage excentrique qui a comme consigne de devoir allumer son réverbère toutes les minutes !
« Quand il allume son réverbère, c’est comme s’il faisait naître une étoile de plus, ou une fleur. Quand il éteint son réverbère, cela endort l’étoile ou la fleur. C’est une occupation très jolie. C’est véritablement utile, puisque c’est joli. »

Le noir total, voilà ce qu’on pourrait penser de notre monde en folie. Le noir des catastrophes écologiques qui s’annoncent, le noir (ou si vous préférez, la peste brune) du fascisme qui monte et veut prendre le pouvoir en Europe, le noir de la violence urbaine des trafics de drogue, le noir des violences faites aux femmes, aux pauvres, aux demandeurs d’asile, le noir du harcèlement, le noir des injustices sociales, le noir des mensonges, de la convoitise, le noir de la mégalomanie, le noir de l’épuisement au travail, le noir du manque de perspective de vie, le noir…
Le noir de l’impuissance, du découragement, du je m’en foutisme, de l’égoïsme, du repli sur soi…
Et dans le noir rodent les brigands modernes, les vendeurs d’illusion, les marchands de faux rêves, les arnaqueurs patentés, les violents en paroles et en actes.

Qui va allumer sa chandelle au premier étage de sa maison, pour faire reculer un peu, un tout petit peu, de sa flamme vacillante, l’obscurité de la nuit ? Qui veillera sur elle et la rallumera si un coup de vent l’éteint ?

Qui va poster des lanternes au coin des rues de la vie pour baliser la route et garder les marcheurs de toute chute, les protéger de la nuit, les encourager à poursuivre leur chemin ?

Qui va se dévouer pour allumer les réverbères, à persévérer dans cette tâche ingrate, avec fidélité, dévouement, sens du service bien fait ?

Qui va allumer la mèche de sa lampe à Celui qui est la lumière du monde ?
Qui va quitter sa cachette sous le boisseau pour devenir lumière du monde à son tour ?

Qui ?
Toi.
Moi.
Ensemble pour chasser le noir et remplacer son impuissance par la puissance de la lumière qui fait vivre.

En hommage à Madame Mariann BUDDE, évêque épiscopalienne américaine.
Avec mon plus profond respect.
Yvette Vanescote
Mars 2025